Research Details
- Recherche : Analyse des activités de création d’actifs productifs issues de la Planification Communautaire Participative (PCP)
- Chercheur : ISSOUFOU ADAMOU Rakiatou
- Categorie : PARTICIPATION COMMUNAUTAIRE GENRE ET RÉSILIENCE
- Année : 2019
1. CONTEXTE, PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIF
Depuis une trentaine d’années les options prises en faveur du développement au Niger se polarisent autour des processus de participation des populations à la base. En effet, de l’Etat « providence » assurant exclusivement le pilotage des actions de développement à l’Etat se limitant à créer les conditions d’un environnement incitatif à la libre expression des acteurs, la mobilisation locale est devenue une priorité.
Pour répondre à cette nouvelle dynamique, l’Etat du Niger à travers l’initiative 3N et en partenariat avec l’équipe des systèmes des nations unies au Niger, a élaboré en 2014 un outil de Planification Communautaire Participative (PCP), dont la mise en œuvre prend en compte simultanément plusieurs interventions complémentaires (transferts monétaires ; transferts d’intrants productifs ; distribution de kits caprins, etc.). Les synergies entre les différents types d’interventions permettraient d’obtenir des résultats meilleurs à ceux qui seraient obtenus séparément par chaque modalité.
Ainsi, cette étude, qui porte sur le cas de Sahiya, interroge les effets de la mise en place de la PCP sur la création d’actifs productifs en analysant de façon spécifique la contribution des communautés bénéficiaires dans la réussite des activités d’un projet de développement.
2. MÉTHODOLOGIE
Cette étude a été conduite dans le secteur villageois de Sahiya, composé des villages de Sahiya, Senghelou, Gougouhema et Tawaye. Le secteur est situé à 65 km de Bagaroua et environ 140 km de Tahoua. Il dispose d’une population de 16 576 habitants regroupés en 2072 ménages, constituée majoritairement de Haousa, puis de Peulh et de Touareg. Les principales destinations migratoires de cette population sont la Côte d’Ivoire et le Nigéria (PCP, 2014).
La démarche méthodologique a consisté en une phase exploratoire et des enquêtes de terrain :
3. RÉSULTATS ET DISCUSSION
De l’identification et de l’implication des acteurs
Il ressort que la population représente une actrice majeure de part sa présence à toutes les étapes notamment de la conception avec sa participation au processus d’élaboration du PCP, à la mise en œuvre par sa mobilisation en tant que main d’œuvre, et le suivi des activités à travers les comités villageois mis en place. Un des résultats les plus observables de cette mobilisation et implication communautaire est le recul ou la diminution des départs en migration qui s’explique d’une part par l’accès à d’autres ressources notamment par la participation aux activités CES/DRS permettant ainsi de sécuriser la production agricole et d’autre part par l’augmentation des rendements agricoles grâce à la récupération qualitative et quantitative des terres. Les bénéficiaires maitrisent les effets induits et les appréciations des changements observés/ vécus. Parmi les effets induits, les populations évoquent l’augmentation de la productivité des terres, le recul ou la réduction du salariat agricole, le développement des Activités Génératrices de Revenus (AGR), les possibilités de reconstitution de cheptel, la disponibilité des intrants agricoles, etc. qui réduisent les départs en exode, impulsent et entretiennent une dynamique socio-économique et améliorent les capacités de résiliences des populations.
Du comité de gestion villageois (COGES)
Les comités de gestion villageois étudiés dans ce document sont à l’image de ceux des associations paysannes du bassin arachidier sénégalais décrits par BUNDO (1994) en ces termes : « les “bureaux” des associations étudiées sont caractérisés par une façade formelle rappelant une organisation bureaucratique, avec sa cohorte de présidents, secrétaire, trésorier, commissaires aux comptes, responsable de commercialisation et leurs adjoints respectifs. À ces charges, le plus souvent ne correspondent pas des taches précises… ». En effet, en dehors des secrétaires généraux et dans quelques cas de président (à Senghelou) les autres membres ne jouent pas véritablement leurs rôles. Ils sont en majorité analphabètes et n’ont pas reçu de formations relatives à leurs activités.
De l’accès des femmes à la terre
La figure 1 montre une femme qui dispose d’une pépinière de plantes ligneuses. L’analyse des résultats de l’enquête auprès des différents comités de gestion (COGES) a montré que les femmes ont un accès restreint aux postes de responsabilité. Toutefois le rôle donné aux femmes dans les comités mixtes peut-il influencer la performance du groupe comme ce fut le cas ailleurs ? 173 En effet, une étude de cas de 14 groupements paysans dans deux régions de Madagascar (CRS, 2011) a été conduite pour analyser les liens entre l’égalité des sexes,la performance du groupement et le bien-être des ménages. L’étude a conclu que : les cinq groupes qui ont intégré les femmes plus efficacement dans le processus de prise de décision avaient de meilleures notes et leurs membres ont exprimé plus de satisfaction avec la performance de leur groupe. Cependant, l’obtention d’un score élevé semble davantage liée à l’éducation et l’alphabétisation des membres. Or, dans le cas de la présente étude nous venons de voir que la plupart des membres sont analphabètes et n’ayant pas reçu de formations relatives à leurs activités, un bon nombre d’entre eux ignorent en quoi consiste réellement leur fonction.
Du déficit de collecte des semences
Un déficit de plus de 13 tonnes a été enregistré pour la collecte des semences en 2017. Comme le soutient GARBA (2005) dans un autre contexte, le non-remboursement du crédit est la principale cause de l’interruption des activités des Banques céréalières. Le même auteur continu en citant Issaka Moussa du village de Sakata s’exprimant sur les causes du non remboursement des emprunts « C’est nous les paysans qui avons constitué le stock sans apport externe, par conséquent nous ne sommes pas obligés de nous faire toutes sortes de pressions pour rembourser les emprunts sur tout en ce temps difficile. Si le projet avait apporté ne serait-ce que quelques tia de mil, nous serions peut-être gênés de ne pas rembourser nos dettes ». Dans le cadre de cette étude, les bénéficiaires justifient le non remboursement plutôt par le fait que les semences distribuées sont des dons.
De l’implication des chefs de villages dans la gestion des banques céréalières
La figure 2 montre un groupement regroupant des femmes et des hommes pour la construction d’une banque céréalière.
Les enquêtes ont montré une forte implication des chefs de villages et des encadreurs de sites dans la gestion des biens. Une étude sur l’état des lieux des Banques céréalières au Niger (CCA, 2009) a montré que le détournement en toutes impunités des ressources par certains leaders communautaires est l’une des causes des échecs de ces structures. Toutefois, dans le cas de cette étude, l’implication des chefs de villages et des encadreurs de sites s’est avérée nécessaire notamment pour mettre la pression sur les bénéficiaires dans le cadre du remboursement des prêts. Figure 1 : Pépinière de plantes ligneuses d’une femme Figure 2 : Groupement de personne pour la construction d’une banque céréalière 174 En outre, la particularité de la Banque d’intrants de Gougouhema (qui fonctionne bien) s’explique en grande partie par l’implication pleine du chef de village dans la gestion courante du comité. Les membres bénéficient de ce fait de son expérience en tant qu’enseignant et ancien cadre de préfecture. Cette étude a montré une faible implication des membres de COGES. En effet, lors des entretiens, certains membres ont manifesté leur intention de démissionner de leurs fonctions. La raison principale avancée est le caractère bénévole des activités qu’ils mènent. Dans la logique de l’action collective (1978), l’économiste américain Mancur OLSON a déjà mis en exergue ce paradoxe de l’action collective. Pour cet auteur, l’existence d’une communauté d’intérêt ne suffit pas pour provoquer une active collective. La raison, pour l’auteur, est que celle-ci produit un bien collectif dont peuvent bénéficier ceux qui n’ont pas participé à l’action et qui se seraient soustraits aux coûts de l’engagement. Ce qui pousse les individus à adopter des comportements de « free riding. » (Passagers clandestins). La solution de ce paradoxe est, pour OLSON, la pénalisation et la contrainte ou les avantages non collectifs dont peuvent bénéficier les participants.
4. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
L’hypothèse selon laquelle l’implication de la communauté permet une meilleure gestion des actifs est confirmée. En effet, à travers la description faite du fonctionnement des comités de gestion des banques d’intrants et des groupements pépiniéristes locaux, l’étude a montré le rôle important que jouent ces structures dans la gestion mais également dans la création des actifs productifs. Toutefois ces comités sont confrontés à plusieurs contraintes, telles que la faible implication de certains membres, l’analphabétisme, le manque de formation et d’expérience dans la gestion des biens communautaires.
Cette étude a permis de confirmer l’idée selon laquelle la réussite des activités d’un projet de développement communautaire dépend non seulement d’une bonne planification, mais aussi et surtout de la participation pleine de tous les acteurs impliqués notamment des communautés bénéficiaires : d’abord, en termes de redevabilité en exigeant des comités de gestion l’établissement d’un bilan financier régulier à partager avec la base, ensuite en termes de responsabilisation de ces communautés en leur octroyant plus de pouvoirs de décision car comme l’a dit Muller (1992) : « Le seul moyen de réussir une politique c’est d’en confier la réalisation à ceux qui ont intérêt qu’elle réussisse ».