Research Details
- Recherche : Rôle des produits forestiers non ligneux dans la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages
- Chercheur : DRABO Jeannine Marie Patricia Lantolè
- Categorie : SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, NUTRITIONNELLE ET RÉSILIENCE
- Année : Juin, 2019
- Localisation : THION / BURKINA FASO
1. CONTEXTE, PROBLEMATIQUE ET OBJECTIF
En dépit de son importance en termes d’emploi et de produit intérieur brut (plus de 30% du PIB (SP-CPSA, 2016)), le secteur agricole n’a pas connu un développement significatif à même d’accélérer le progrès vers une sécurité alimentaire forte pour les ménages burkinabè. Ainsi la problématique de l’accès à une alimentation saine, nutritive et en quantité suffisante par les populations se pose avec acuité au Burkina Faso (MAHRH, 2016). Selon les résultats de l’analyse globale de la vulnérabilité, de la sécurité alimentaire et de la nutrition réalisée en 2014 (PAM, 2014), 19% des ménages sont en insécurité alimentaire dont 1% en situation sévère. La situation nutritionnelle est tout aussi préoccupante : la malnutrition chronique, l’insuffisance pondérale et la malnutrition aigüe chez les enfants de moins de 5 ans sont respectivement de 34,1%, 24,4% et 10,2% (MAHRH, 2015). Ce constat résulte de plusieurs facteurs dont la faible productivité agricole, la pauvreté et la faible diversification alimentaire des populations. Il s’avère donc nécessaire de diversifier les sources d’alimentation et de revenu. La valorisation des produits forestiers non ligneux (PFNL) pourrait être une alternative salvatrice pour ces ménages.
En effet, Environ 70% du territoire nationale du Burkina Faso soit 19048352 ha renferme une grande diversité de PFNL (MAHRH, 2016). Le Burkina Faso compte 376 espèces pourvoyeuses de PFNL (feuilles et fruits comestibles) (PNSR, 2012). Les PFNL constituent une importante source d’alimentation et de revenu pour les populations surtout en milieu rural où il est observé une proportion élevée de personne en situation d’insécurité alimentaire et nutritionnelle (Yaro, 2006 ; Treeaid, 2008). L’objectif de cette étude est de déterminer le rôle des PFNL dans la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
2. MÉTHODOLOGIE
Cette étude a été menée dans trois villages de la commune rurale de Thion, province de la Gnagna (région de l’Est). La commune de Thion est une zone d’intervention du Programme alimentaire mondiale sujet à des difficultés alimentaires et nutritionnelles liées au déficit de la production agricole. Un questionnaire a été administré à cent quatre femmes de l’Union des groupements féminins YENTEMAYE de la commune de Thion, œuvrant dans le domaine de la transformation des produits locaux. Une analyse descriptive nous a permis d’inventorier les différentes espèces pourvoyeuses de PFNL exploité par les femmes et de déterminer le niveau de consommation et de commercialisation des PFNL.
Le modèle de régression linéaire a été utilisé pour analyser les déterminants du niveau de sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages. Les données ont été analysées et traitées à l’aide de logiciels tels que Statistical Package for Social Sciences (SPSS) version 20.0 a été utilisé pour les analyses descriptives, Stata version 12 pour la régression linéaire multiple et le logiciel Excel 2013 a été utilisé pour la saisie des données et pour l’élaboration des tableaux et graphiques.
3. RÉSULTATS - DISCUSSION
Exploitation des PFNL
L’exploitation des PFNL de notre zone d’étude concerne 48 espèces reparties en 43 genres et 30 familles. Gbangou en 2005 avait inventorié 99 espèces pourvoyeuses de PFNL exploitées par les populations riveraines du parc national KaboréTambi. Cette différence s’expliquerait par le fait que les conditions écologiques diffèrent d’une zone à une autre. En effet toutes ces études ont été menées dans des zones forestières. Or, dans notre cas, la zone d’étude ne dispose pas d’une forêt et les femmes acquièrent les PFNL en brousse, dans les champs, et au marché. Aussi les espèces les plus exploitées dans notre zone d’étude sont : Vitellaria paradoxa, Azadirachta indica, Balanites aegyptiaca et Adansonia digitata. Ainsi en dépit de la différence des conditions agro écologiques, certaines espèces des PFNL sont communes dans toutes les régions du Burkina et même dans la sous-région. Par ailleurs les populations utilisent différentes parties (feuilles, les fruits, les racines et les écorces) des plantes selon leurs besoins. Les feuilles constituent la partie la plus utilisée. En effet, 85,41% des plantes sont exploitées pour leurs feuilles. La proportion d’utilisation élevée des feuilles pourrait s’expliquer par leur accessibilité plus facile mais aussi par leur importance pour divers usages tels que l’alimentation, le fourrage et la pharmacopée (Traoré et al., 2011). La pharmacopée est le domaine où il y a le plus grand nombre d’espèces (36) citées par les femmes. Dans le domaine de l’alimentation, ce sont au total 33 espèces qui sont utilisées par les femmes de notre zone d’étude. Gbangou (2005) a répertorié 32 espèces de plantes desquelles sont tirés des PFNL utilisés dans l’alimentation des populations riveraines du Parc national Kaboré Tambi.
Planche 1 : photographie des principaux produits forestier non-ligneux ; A et B = Vitellaria paradoxa ; C et D =Balanites aegyptiaca ; E et F=Adansonia digitata ; G = Lannea microcarpa, et H = Tamarindus indica
Consommation de PFNL
Les populations de la zone d’étude ont plusieurs sources d’alimentation que sont la production agricole, les achats, les PFNL et l’élevage (Tableau 1). Les PFNL constituent la deuxième source d’alimentation après les aliments de base tels que les céréales. Soubeïga (2004) et Gbangou (2005) sont parvenus aux mêmes résultats. Cela démontre très bien l’importance des PFNL dans la ration alimentaire des ménages ruraux. Ouédraogo et al., (2013) font cas d’une dépendance des populations rurales, surtout les plus pauvres, vis-à-vis des PFNL.
L’analyse des données montre que les PFNL exploités pour leurs feuilles sont les plus représentés parmi les PFNL consommés par les ménages (Tableau 2). Les feuilles de Adansonia digitata et les graines transformées de Parkia biglobosa (soumbala) sont les plus consommées (respectivement 38,5% et 36,5% des ménages). Nous avons aussi les feuilles de Corchorus tridens, Cassia obtusifolia, Glossonema boveanum, Boerhavia diffusa et Ammannia prieureana qui sont consommées par respectivement 31,7%, 19,2%, 9,6%, 5,8% et 5,8% des enquêtées. En moyennes, deux types PFNL sont consommés par jour. Lamien et Bayala (1996) relèvent que la contribution des produits forestiers non ligneux dans l’équilibre alimentaire des populations et leurs périodes de disponibilité leur confèrent un rôle d’appoint alimentaire. La période d’abondance des PFNL se situe au troisième trimestre. Cette période correspond aussi à la période de soudure alimentaire de la zone d’étude et à la période de notre enquête.
Commercialisation des PFNL
Les PFNL commercialisés par les femmes de notre échantillon au cours des six derniers mois ayant précédé l’enquête sont : l’huile et le savon issu de Vitellaria paradoxa, Balanites aegyptiaca, Azadirachta indica, les fruits de Lannea microcarpa, Adansonia digitata et de Parkia biglobosa. Les revenus issus de la vente des PFNL sont consignés dans le tableau 3.
Les revenus générés par l’exploitation des PFNL sont faibles. En effet, les femmes perçoivent au Centre en moyen 35 000 FCFA/an soit environ 5 830 FCFA/mois. La moyenne des revenus générés individuellement est de 6 000F CFA. La moyenne générale du revenu total (revenu du Centre et revenu généré individuellement) est de 41 000 FCFA.
Il ressort du tableau 4 que l’alimentation occupe la plus grande part dans la répartition des revenus des femmes. Elles consacrent en moyenne 41,67% de leurs revenus à l’alimentation. Le reste est essentiellement reparti en les dépenses de santé qui viennent en seconde position avec une moyenne de 21,67%, et celles de la scolarisation des enfants qui sont en moyenne de 15% des revenus. Nos résultats vont dans le même sens que ceux de Zallé (2008) et Kagoné (2016) qui rapportent que les revenus obtenus par les femmes dans la commercialisation des produits du karité sont alloués prioritairement à l’alimentation. Aussi, nos résultats corroborent ceux de Millogo (2008) qui indique que les productrices de soumbala utilisent les revenus générés par la vente pour acheter prioritairement les condiments et les céréales. Ainsi donc les PFNL en plus de permettre aux femmes de participer aux dépenses du ménage, contribue à améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle de celui-ci.
4. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS OPÉRATIONNELLES
Il ressort de notre étude qu’un nombre assez important de PFNL sont utilisés par les populations et à diverses fins. En plus, ces produits sont disponibles à tout moment et beaucoup plus en période de soudure. Ils constituent la deuxième source d’alimentation et contribuent pour beaucoup à la diversification alimentaire des ménages. Également, en ce qui concerne la commercialisation des PFNL, nos résultats ont montré que les revenus tirés de la vente des PFNL contribuent à améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages. En effet l’alimentation est le domaine où les femmes investissent plus leurs revenus tirés des PFNL. Au vu de tous ces résultats nous recommandons :
5. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
GBANGOU Y. R., 2005. Analyse de la demande des produits forestiers non ligneux des ménages riverains du Parc National KaboréTambi (BURKINA FASO). Mémoire d’ingénieure, Option : Sociologie et économie rurales, Université polytechnique de Bobo (UPB), Institut du développement rural (IDR), Bobo-Dioulasso, 73p.
OUÉDRAOGO M., OUÉDRAOGO D., THIOMBIANO T., HIEN M., LYKKE A.M., 2013. « Dépendance économique aux produits forestiers non ligneux : cas des ménages riverains des forets de boulon et de Koflandé, Sud-Ouest Burkina Faso ». Journal of Agriculture and Environment for International Development – JAEID 2013, 107 (1): 45 – 72.
PAM, 2014. Analyse Globale de la vulnérabilité, de sécurité alimentaire et de la nutrition (AGVSAN). Programme alimentaire mondial, Fewsnet, Ouagadougou, Burkina Faso, 108p.
SOUBEIGA K. J., 2004. Analyse de la demande des produits forestiers non ligneux dans l’alimentation des ménages ruraux: cas des départements de Bondoukuy (Mouhoun) et de Nandiala (Boulkièmdé). Mémoire d’ingénieure, Option : Sociologie et économie rurales, Université polytechnique de Bobo (UPB), Institut du développement rural (IDR), Bobo-Dioulasso, 62p
TRAORE L., OUEDRAOGO I., OUEDRAOGO A. et THIOMBIANO A., 2011. Perceptions, usages et vulnérabilité des ressources végétales ligneuses dans le SudOuest du Burkina Faso. Int. J. Biol. Chem. Sci. 5(1): 258-278.
TREE AID, 2008. Etude diagnostique sur les petites et moyennes entreprises forestières au Burkina Faso. Ouagadougou, Burkina Faso, FAO, Rapport Final, 61p.